Le quotidien d'une table de chevet brabançonne

Mois : février 2015

J.R.R. Tolkien – Le Hobbit (traduction par Daniel Lauzon en 2012)

Couverture de la nouvelle version de Le Hobbit de J.R.R. Tolkien, traduit par Daniel LauzonEvaluation 7/10 pour Le Bouquin de Firmin

Quelle curieuse expérience de relire en 2015 les aventures de Bilbo Bessac, un hobbit de La Colline, rendant une visite de courtoisie à Smaug Le Dragon en passant par Fendeval, la forêt de Grand’Peur et le Bourg-du-Lac ! Depuis la publication en 1937 du Hobbit de J.R.R. Tolkien, Peter Jackson est passé par là, popularisant davantage (s’il était encore possible) les aventures de Bilbon Sacquet de La Comté, pourfendant dragons, orcs et gobelins en passant par Fondcombe, la Forêt Noire et Lacville ! Ces petites surprises dans la traduction française ne sont pas du fait de Peter Jackson : ce dernier s’est calqué sur la traduction officielle de de Francis Ledoux datant de 1969. Depuis 2012 pourtant, c’est bien la nouvelle traduction de Daniel Lauzon que vous trouverez en librairie avec donc comme personnage principal un Bilbo Bessac fraîchement renommé. Si cette nouvelle traduction peut paraître surprenante, elle est globalement encensée par les puristes, étant jugée plus proche de la version anglaise originale.

Lire Le Hobbit en 2015, outre la nouvelle traduction, c’est donc redécouvrir les aventures extraordinaires de ce sympathique bout d’homme qui s’en va défier un dragon en compagnie de 13 nains et d’un magicien, sans l’aide de Tauriel, de Legolas ou de Galadriel, sans même les pitreries d’Alfrid et surtout sans être impitoyablement poursuivi par Azog le Profanateur ou Sauron le Nécromancien. Peter Jackson a largement étoffé le récit original de personnages secondaires (qui en viennent à voler la vedette à Bilbo lui-même) et d’intrigues parallèles souvent à peine évoquées dans le livre. Est-ce un bien ou un mal ? Là n’est pas le but de cet article. Par contre, cela renforce le côté enfantin du bouquin de J.R.R. Tolkien.

Le Hobbit a été écrit par l’écrivain britannique afin qu’il serve de livre de chevet pour ses jeunes enfants et est par conséquent un livre très éloigné de la rigueur, de la complexité et de la finesse de son successeur : Le Seigneur des Anneaux. Bilbo s’en va donc cambrioler une montagne au nez et à la barbe d’un dragon, accompagné d’assez joyeux drilles finalement : une bande de nains chanteurs qui va croiser la route d’elfes tout aussi fredonnants… même les vilains gobelins et les trolls très moches voudront découper en rondelles toute la troupe en poussant la chansonnette ! Tolkien s’adresse vraiment à ses lecteurs comme à ses enfants, rythmant donc son récit de chants et d’énigmes et en ne s’éternisant pas sur les scènes trop violentes. Une grande bataille peut par exemple se résumer en quelques phrases, annoncées par un apaisant « Vous vous en doutez, Bilbo s’en est très bien sorti, voici comment… ».

Ce qui est fascinant dans le monde inventé par Tolkien, c’est sa complexité, le fait d’avoir poussé le détail de chaque lignée, de chaque contrée… Chaque événement se positionne dans un contexte fouillé, il a poussé le vice jusqu’à imaginer avec précision la genèse du monde (Le Silmarillion) pendant qu’il inventait (de façon complète) diverses langues elfiques. La simplicité enfantine du Hobbit décontenance donc un peu, mais ce livre reste un jalon incontournable qui esquisse les contours d’un univers mythique et contenant d’ailleurs un élément fondamental : la rencontre avec Gollum et son trésor (pas question de « précieux » dans cette traduction), l’Anneau Unique.

[Complément d’enquête du 26/02/2015]

Bannière de présentation du livre Lire J.R.R. Tolkien par Vincent Ferré

Pour ceux qui veulent approfondir cette histoire de nouvelle traduction, je vous invite à lire cette interview très intéressante de Vincent Ferré pour Télérama. L’article fait référence à la nouvelle traduction du Seigneur des Anneaux, dont le premier tome est paru en 2014, signée également (et logiquement) par Daniel Lauzon. Vincent Ferré y explique le but de cette nouvelle traduction, sa nécessité et ses particularités. On y apprend en détail l’explication du changement « Forêt Noire » en « Forêt de Grand’Peur » , mais aussi l’existence d’un « Guide des noms du Seigneur des Anneaux » , que ne connaissait manifestement pas le premier traducteur Francis Ledoux. J.R.R. Tolkien, en linguiste expérimenté, avait effectivement tout prévu, jusqu’à la traduction des noms et des lieux présents dans son oeuvre dans les différentes langues. Sans imposer une traduction précise (preuve s’il en est de son intelligence), Tolkien propose aux futurs traducteurs des pistes pour adapter au mieux ses livres.

Les nouvelles traductions sont clairement positives : plus respectueuses de l’oeuvre de Tolkien, elles prennent en compte tous les éléments disponibles depuis 1969 (grâce notamment au travail du fils de Tolkien) tout en corrigeant les quelques coquilles et incohérences de Francis Ledoux (le « departure » d’Elrond ou l’incursion d’éléments de notre monde (« file indienne ») par exemple). Daniel Lauzon a particulièrement excellé dans la nouvelle traduction des poèmes et chants, plus proches de l’harmonie des originaux : une très bonne chose lorsqu’on se remet en tête que J.R.R. Tolkien était avant tout un poète !

E. L. James – La trilogie Cinquante nuances de Grey

Couverture du roman Cinquante Nuances de Grey de E.L. JamesEvaluation 4/10 pour Le Bouquin de Firmin

Pas besoin de vous présenter longuement la trilogie best-seller de E.L. James « Cinquante nuances de Grey » je pense. En gros, une jeune adulte un peu godiche va interviewer un jeune magnat des affaires charismatique et une attirance physique va s’installer entre ces 2 personnes qu’a priori tout oppose. Il se trouve que le garçon est un adepte du sadisme, tandis que la fille, eh bien… elle est surtout une adepte de l’Amour.

Le début est franchement bien foutu, ça fait « roman adolescent », mais ça se lit bien. Et ce même s’il faut attendre des plombes pour voir enfin la dimension « érotique » du roman. Malheureusement, si l’écriture érotique fonctionne (comme quoi, le pouvoir des mots !), on tourne très vite en rond. « Oh mon dieu, son érection me remplit toute entière, je m’agrippe à ses cheveux (puisque je ne peux pas toucher son torse) et j’explose » : on répète ça (plus ou moins au mot près) toutes les 5 pages pendant 2 bouquins et demi et on a fini la trilogie. Un peu de suspense et un léger attachement aux personnages m’ont fait tenir les 1800 pages, mais j’ai franchement l’impression d’avoir perdu mon temps.

Avec Cinquante nuances de Grey, E.L. James est censée, d’après la presse, nous proposer un livre érotique sur le sado-masochisme. Si ça avait été le cas, les 1800 pages auraient peut-être été plus intéressantes… Au final, Mlle Anastasia Steele nous privera de cette découverte, car en fait, c’est pas trop son truc.  A la place, on en apprend un peu plus sur « ce que pense une (la ?) femme », et je dois avouer que ce n’est pas forcément rassurant… « Je t’aime plus que tout tu es mon âme-soeur, pourquoi doutes-tu de notre amour éternel ? » … « Hey, mais tu me pinces ?! Ne nous voyons plus jamais, on ne pourra jamais s’épanouir ensemble » . Le titre, 50 nuances de Grey, évoque les 50 ombres et personnalités de Christian Grey, qui consulte d’ailleurs souvent un psy tellement il a un passé torturé… Dommage qu’au final, on se retrouve plutôt immergé pendant des heures dans les 50 humeurs d’Anastasia Steele !

Le premier film sort dans quelques jours pour la Saint-Valentin 2015 et des rumeurs courent comme quoi le film sera peut-être interdit aux moins de 18 ans, mais que la plupart des scènes de sexe du livre seront largement édulcorées voire supprimées. 50 nuances de Grey en version soft ? On perdrait ainsi l’unique intérêt du livre, bravo ! En attendant, la bande originale du film est quant à elle pour le moment plutôt sympathique, mais je laisse Gaston vous en parler, il en parle beaucoup mieux que moi !