Couverture du livre La Vérité de Mariah CareyJe n’ai pas pour habitude de m’intéresser aux biographies ou autobiographies de stars, leur vie privée ou publique m’intéresse assez peu, je me focalise généralement sur leurs œuvres. Néanmoins, lorsque ma chanteuse préférée, Mariah Carey, a décidé de sortir sa toute première autobiographie à 50 ans et en sachant que celle-ci a été écrite de sa propre main (avec l’aide de Michaela Angela Davis), je me suis dit qu’il était peut-être utile que je me penche dessus. Et ce fut une de mes lectures les plus captivantes et bouleversantes de ces dernières années.

Wayward Child

Parce que l’immersion dans la vie de Mariah Carey n’a aucun rapport avec ce que vous pouvez imaginer. Même moi qui la connaît bien et qui n’ai pas cet a priori négatif que vous avez tous sur la *DIVA* qu’elle prétend être, je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi violent. Prenez ce bouquin et oubliez de qui ça parle et dégustez les 100 premières pages : il s’agira probablement du meilleur polar que vous aurez l’occasion de lire cette année. Le début de la vie de Mariah Carey est accessible à tout le monde, car c’est le début de la vie d’une enfant comme vous et moi… sauf qu’elle n’a rien vécu de ce que vous et moi avons pu vivre. C’est le début de vie d’une personne dont la seule mention dans les journaux, si elle n’était pas Mariah Carey, aurait été « une enfant meurt lors d’une altercation familiale » , « une adolescente ne survit pas après une overdose accidentelle » , « une femme se suicide après avoir fui son domicile conjugal » , « une quinquagénaire trouve la mort peu de temps après être sortie de cure de désintoxication » . Comme le dit un policier qui est intervenu chez elle après une des « altercations familiales » dans un des premiers chapitres du livre : « Si cette gamine s’en sort, ce sera un vrai miracle » .

So was she. Mariah Carey n’est pas morte dans des circonstances « dramatiques mais de type fait divers oubliable » , parce que Mariah Carey était une petite enfant rebelle (Wayward Child, titre du premier chapitre, extrait de sa chanson Close My Eyes) qui avait un rêve et qui a tout enduré pour que ce rêve puisse se réaliser. Depuis le début, elle avait foi en elle, une confiance indéfectible en son talent, une petite étincelle intérieure qui a pu la guider et l’aider à survivre à tout ça.

Je pense que j’ai mis 6 mois à finir La vérité de Mariah Carey, j’ai lu ce livre par petits bouts et c’était en fait nécessaire pour digérer autant d’informations… et autant de souffrance. « Oh encore une artiste qui a eu une enfance difficile ouin ouin » ?, oui, mais là, le niveau était franchement élevé. À un tiers du bouquin, elle est enfin sortie de son enfance de misère, ponctuée de racisme, de violence et de drogue, et son chapitre Prélude à Sing Sing s’ouvre par « Un nombre incalculable de fois, je restai allongée de mon côté, dans notre énorme lit, sous lequel je cachais un sac à main contenant le strict nécessaire, au cas où je me verrais contrainte à une tentative d’évasion. Je devais attendre qu’il s’endorme. (…) Sans jamais le quitter du regard, je marchais à reculons jusqu’à la porte, qui me paraissait à des kilomètres. (…) C’était alors une belle victoire que de réussir à sortir de cette chambre. (…) BIP BIPP ! L’intercom sonnait. (…) « Qu’est-ce que tu fais ?! » crépitait dans le haut-parleur (…) Chacun de mes gestes et déplacements était contrôlé, minute après minute, jour après jour, année après année. C’était comme s’il me dépouillait de moi-même. » . Tu poses le livre, tu respires et tu te dis « What ??? Mais enfin, c’est pas possible ??? » .

Sing Sing

Parce que si l’on peut encore imaginer que toute popstar peut avoir une vie pré-popularité difficile, c’est autre chose de voir que l’enfer se prolonge même en pleine ascension. Mariah Carey, dans le milieu des années 90, est l’artiste la plus populaire du monde. Vision Of Love, Hero, Without You, Fantasy, One Sweet Day sont parmi les nombreux #1’s (number ones) qu’elle collectionne déjà, et aucun scandale n’a l’air de la toucher. Pas de pétage de plomb à la Britney, pas d’overdose à la Amy, pas de descente aux enfers à la Whitney. Pourtant, Mariah Carey vit dans une véritable prison, celle que lui a construite son mari Tommy Mottola, le président de Sony. On peut imaginer ce que c’est d’avoir à la maison et au travail quelqu’un comme Tommy Mottola. Cela peut donner quelque chose comme René Angélil pour Céline Dion, mais ça peut aussi être beaucoup moins rose comme ça a été le cas pour Mariah Carey. Sing Sing, c’est le surnom « affectueux » qu’a donné la chanteuse à sa maison pendant ses années de mariage avec Tommy Mottola. Sing Sing (Chante, Chante (et fais ce que je te dis)) était une propriété voisine de la célèbre prison américaine du même nom.

Néanmoins, l’étincelle qu’elle avait en elle a visiblement réussi à la sortir de là, une nouvelle fois, même si divorcer du PDG de ta maison de disque a d’office un impact sur ta carrière dans le long terme (divorce en 1997, et pourtant un Tommy Mottola toujours visible jusqu’au moins 2005). Un mal pour un bien, cela a donné naissance à son meilleur album, Butterfly, qui prend encore plus de sens après la lecture de La Vérité de Mariah Carey.

All That Glitters

Le pire (?) était pourtant encore à venir, puisque le 11 septembre 2001 sort la bande originale de son premier film Glitter. Oui, à cette date-là. Et ce jour-là, Mariah Carey regarde comme tout le monde avec effroi à la télé 2 tours s’effondrer, depuis une salle commune d’un hôpital psychiatrique, où sa mère et son frère l’ont internée de force (bon, ok ça c’est pas « comme tout le monde »). Parce que oui, Mariah Carey a connu « sa » vraie « descente aux enfers » publique, de celles qui font les choux gras des tabloïds. Mais même ça, elle ne le fait pas comme tout le monde. Surmenée, sous pression, probablement proche d’un burn-out ou d’une dépression sévère, Mariah Carey n’a pas réellement de raison médicale d’être internée de force et médicamentée dans un centre random de désintoxication, mais c’est pourtant ce que son entourage familial a prévu pour elle après une incroyable arrestation par la police dans le propre domicile de sa mère.

Emancipation

Pourtant, une nouvelle fois, Mariah Carey s’est relevée et a d’ailleurs produit en 2005 le comeback le plus tonitruant de l’histoire de la musique (source Firmin, à confirmer xD) avec son album The Emancipation of Mimi. Les popstars qui durent sont rares, celles qui battent des records de vente après 15 ans d’une carrière énorme (mais sur le déclin), c’est assez inédit. Mais Mariah Carey est unique et oui, she did that. 15 ans plus tard, son hymne de Noël All I Want For Christmas Is You, écrit par elle en 1994, est devenu son 19e numéro 1 aux Etats-Unis, un record absolu tout artiste confondu. Et vous espériez pouvoir l’enterrer à un moment de sa vie ?

Epilogue

Couverture alternative de The Meaning of Mariah CareyOn ne va pas se mentir, si la première moitié de La Vérité de Mariah Carey est captivante, accessible à quiconque s’intéresse à une vie pas du tout banale, la seconde moitié de cette autobiographie est probablement à réserver aux fans comme moi. C’est un peu comme ces rappeurs qui, après avoir sorti une mixtape divine influencée par leur quartier, leur condition de vie, leur ressenti du quotidien, passent leur albums suivants à dire qu’ils sont « rich rich rich » , qu’ils sont les meilleurs et que tout leur réussit. Les déboires de Mariah Carey post-popularité sont assez pervertis par des considérations de type « coiffure, garde-robe, appartement new-yorkais, records et chiffres de vente ». Pourtant, comment blâmer Mariah Carey de se soucier de sa coiffure lorsqu’on sait qu’enfant, elle avait une tignasse incontrôlable dont sa mère blanche ne savait que faire et que sa famille noire du côté de son père brûlait pour peu qu’elle y touche ? Comment blâmer Mariah Carey d’être fière de ses placards à chaussures remplis lorsqu’on sait qu’elle avait une seule paire de basket trop petite lorsqu’elle a enregistré pour la première fois Vision of Love ?

Pour votre information, car c’est une chose trop méconnue, Mariah Carey écrit et compose la plupart de ses chansons. Oui. Ses 19 numéros 1 ont tous (sauf la reprise I’ll Be There des Jackson 5) été écrits par elle et il n’y a aucun doute que cette autobiographie a été écrite par elle, avec peut-être l’aide de Michaela Angela Davis certes (pour la canaliser), mais c’est du Mariah Carey pur jus. Et c’est d’ailleurs ponctué d’extraits des paroles de ses chansons et c’est là que tu vois qu’elle a raconté toute sa vie dans ses chansons, chaque chanson prend une dimension différente après la lecture du livre et chaque extrait s’intègre parfaitement dans le récit. Particulièrement une de ses meilleures chansons, The Roof (Back in Time), à laquelle un chapitre entier est d’ailleurs consacré, car cette chanson raconte juste littéralement sa vie, au moment où elle divorçait de Tommy Mottola et où, sur le toit de cet appartement, par une nuit pluvieuse……..

J’ai été parfois décontenancé par la chronologie vacillante du récit : on est loin d’une fiche wikipédia, mais plutôt sur un portrait de personnages selon certains angles, ce qui est finalement plus intéressant. Sinon, La Vérité de Mariah Carey est extrêmement bien écrit, bien construit, des phrases choc en ouverture de chapitre aux conclusions épiques. On sent juste la personnalité de Mariah Carey transpirer de ces pages, son professionnalisme à toute épreuve… bien loin de l’image trompeuse de Diva-Dinde écervelée qu’elle véhicule. Mariah Carey est une enfant rebelle, une princesse aux bijoux rutilants qui se balance au-dessus d’un tas de détritus. Ce n’est pas une métaphore, c’est l’enfant qu’elle était et sa balançoire se situait réellement au-dessus d’une décharge. Mais c’est également une parfaite métaphore de ce qu’a été le début de sa vie… et cela explique peut-être son attitude post-popularité, cette attitude de diva, de princesse qui a réussi et qui prend une revanche sur la vie : qui pourrait le lui reprocher après avoir lu sa Vérité ?

La seule absente de ce livre (si l’on exclut Patricia Carey, bien présente dans les lignes, mais absente en tant que mère) est à mon sens la Voix de Mariah Carey. Mariah Carey a une des voix les plus riches et étendues au monde et pourtant, elle apparaît assez anecdotique dans sa vie. La chanteuse n’est pourtant pas très modeste lorsqu’il s’agit de compter le nombre de hits qu’elle a obtenus ou le nombre de carats de sa bague de fiançailles… pourtant, lorsqu’il s’agit d’évoquer son organe plutôt remarquable, il n’y a plus personne. Manifestement, Mariah Carey se définit davantage comme une autrice-compositrice-entrepreneure-autodidacte plutôt que comme une chanteuse à la voix d’or. Et je comprends qu’elle se batte pour que ce statut lui soit accordé pendant que le grand public ne retient d’elle que… sa voix.