

Dans les années 70, George R.R.Martin a la trentaine et commence à obtenir une petite reconnaissance dans le milieu de la littérature de science-fiction avec ses nouvelles « Chanson pour Lya » ou « Les Rois des sables » . Un succès relatif qui lui permet tout de même de vivre de ce métier et d’obtenir des commandes de scénario pour la télévision. En 2007 et suite au carton de sa saga « Le Trône de fer » , une partie des premières nouvelles de George R.R.Martin est rééditée sous la forme d’un recueil de 7 récits intitulé « Les Rois des sables » , du nom de sa nouvelle la plus emblématique. Cette dernière a d’ailleurs été adaptée à la télévision sous forme de deux épisodes de la série Au-delà du réel : L’aventure continue.
Qui dit « nouvelle » dit « récit court », bien loin de l’univers ultra-détaillé en 7 volumes de plus de 1000 pages du Trône de Fer. Qui dit « science-fiction » dit « rien à voir avec la fantasy, la magie ou l’époque moyenâgeuse de sa saga emblématique ». Bref, si, évidemment, le grand public se penche sur ces nouvelles après avoir lu (ou vu) Game Of Thrones, il ne faut pas s’attendre à y retrouver une quelconque trace de cet univers. Alors, que vaut George R.R.Martin en écrivain de science-fiction ?
Eh bien ça se passe plutôt bien ! Dès la première nouvelle, Par la croix et le dragon, on est surpris de se retrouver dans la tête d’un religieux, un inquisiteur qui défend la cause de Jésus Christ, notre seigneur, contre l’hérétique Judas Iscariote. Pendant quelques minutes, on se demande où est la science-fiction dans ce récit, jusqu’à ce qu’une description de l’Archevèque commandeur (avec ses 4 bras et ses 200ans) ainsi que de la « véritable » histoire de Judas (et ses dragons vengeurs) nous rassure pleinement. Quelques pages plus loin se finit déjà la nouvelle, qui aura eu le temps de nous immerger dans un monde complexe rempli de voyages spatiaux et de créatures sur-douées aux pouvoirs psioniques. Mais plutôt que de nous perdre, George R.R.Martin nous tient par le message assez simple qui sous-tend la nouvelle : la Foi, la religion et le mensonge qui en découle.
Vient ensuite Aprevères, dans un monde déjà plus familier à l’univers du Trône de Fer, ses grandes forêts enneigées et son époque moyenâgeuse. Shawn en est le personnage principal, la mort rôde… Mais, à l’instar du monde de Thorgal, l’enfant des étoiles, la science-fiction nous rattrape rapidement : un vaisseau spatial gît au milieu des étendues gelées. Son occupant entraîne Shawn dans des mondes insoupçonnés et l’envoûte par sa technologie et son expérience. Aprevères est une très jolie histoire sur le temps qui passe, la solitude et la « magie ».
Avec Dans la maison du ver, on entre directement dans le plat de résistance de ce recueil. Le début du récit, avec ce soleil mourant, ce fanatisme peu ragoûtant autour d’un Ver Blanc et cette société enfermée, ignorante de son passé et de son avenir, n’est pas sans rappeler l’ambiance du dernier Mad Max. Mais rapidement, le récit se concentre sur un personnage, Annelyn, un anti-héros prétentieux peu attirant qui s’enfonce dans les profondeurs de la terre. L’histoire peut alors prendre toute son ampleur dramatique. On a peur, on s’interroge, on découvre, on se blesse, on n’y voit plus rien, on n’y comprend plus rien, tout comme le héros. On se rend compte que cet étrange endroit a un passé complexe et que les perspectives de cette histoire sont assez énormes… qu’importe, le format « nouvelle » nous laissera sur notre faim, on le sait et on profite donc de l’observation de cet Annelyn et de cette expérience qui va lui changer la vie.
Le soufflé retombe par après avec Vifs-Amis, une nouvelle qui présente une histoire d’amour impossible à laquelle on a un peu de mal à accrocher, puisque les protagonistes eux-même n’y croient déjà plus beaucoup… Je noterai quand même que la présence d’un ange (dont vous découvrirez les fonctions à la lecture) tout le long du récit est une bonne trouvaille, le troisième larron étonnant dans cette idylle mourante.
La nouvelle La Cité de pierre était quant à elle plutôt prometteuse. Elle se situe dans un univers assez classique de la science-fiction avec ses milliers de mondes peuplés d’extra-terrestres plus surprenants les uns que les autres. A l’instar d’un monde asimovien, la Terre n’est plus qu’un mythe et le héros du récit ne veut qu’une chose : aller au-delà des limites connues. L’ambition de cette nouvelle était peut-être trop grande : la solution finale ressemble plutôt à une pirouette du genre « et soudain, la sonnerie du réveil retentit » qu’à une conclusion valable de cette aventure.
Concernant La Dame des étoiles, je retiendrai surtout le thème principal évoqué sans pudeur (la prostitution) ainsi que le vocabulaire inventé pour donner un aspect exotique mais terriblement proche à cette histoire. Astrer, rouager ou dévider, des verbes qui deviennent familiers au fil des pages et que l’on quitte avec une pointe de frustration, à défaut d’avoir ce sentiment pour les personnages principaux assez peu développés.
Vient ensuite la nouvelle finale, Les Rois des sables. Simon Kress, un homme d’affaire riche mais un peu douteux, a une passion originale : il achète des animaux exotiques et s’amuse à les observer (généralement se battre voire s’entredévorer). Ce passe-temps l’entraîne à acheter les Rois des sables, sorte de fourmis géantes extraterrestres un peu plus intelligentes qu’il n’y paraît… et c’est là que les choses se corsent pour Simon. L’histoire est cousue de fil rouge (pour le sang versé tout au long du récit), à quelques détails près, mais la narration est efficace et nous laisse peu de répit.
En conclusion, ce recueil était plutôt sympathique et, s’il n’est pas révolutionnaire, il présente certains aspects du style qui feront de George R.R.Martin la star que l’on connaît aujourd’hui. Des héros peu attachants voire antipathiques (Annelyn, Simon Kress, Brand, Hal le Poilu) et un univers très vaste et recherché évoqué (même si la nouvelle ne fait qu’une trentaine de pages). Pas trop de magie ou de créatures légendaires par contre (science-fiction oblige), tout comme il n’y a d’ailleurs pas énormément de mort tragique et cruelle… Un petit penchant que George R.R.Martin aura donc développé tardivement !
Le format très court lui va plutôt bien en tout cas : les personnages sont installés de façon efficace et le sujet de chaque nouvelle est simple mais bien traité. On se doute que George, qui est loin d’en avoir fini avec sa saga du Trône de Fer et qui croule sous la pression des lecteurs pour avoir une suite, n’a pas trop l’occasion de se relancer dans la science-fiction de ses débuts. Mais s’il y revient, je serai là pour le suivre !
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